Les Bergeries des Corbières : Témoins silencieux d’une histoire pastorale

Nichées entre garrigues, collines rocailleuses et vignes étagées, les bergeries des Corbières racontent une histoire discrète mais essentielle du territoire. Ces modestes constructions de pierre sèche sont les gardiennes d’un mode de vie ancestral, celui du pastoralisme méditerranéen.

Un héritage millénaire

L’élevage ovin est pratiqué dans les Corbières depuis l’Antiquité. Dès l’époque gallo-romaine, les bergers utilisaient les vastes étendues des plateaux et des collines pour faire paître leurs troupeaux. Les bergeries – appelées parfois “jas” ou “cabanes” – étaient alors des abris rudimentaires, servant tantôt de refuge pour l’homme, tantôt d’abri pour les bêtes.

Au fil des siècles, ces structures ont évolué. En pierre sèche, sans mortier, elles témoignent d’un savoir-faire unique, parfaitement adapté au climat sec et aux matériaux locaux. Leur forme, souvent allongée ou en abside, répondait à des besoins pratiques : abriter les brebis, stocker le foin ou encore s’abriter durant les transhumances locales.

Le cœur du pastoralisme

Du Moyen Âge jusqu’au début du XXe siècle, le pastoralisme constituait un pilier de l’économie rurale des Corbières. Chaque village avait ses sentiers de transhumance, ses pâturages d’hiver et ses terres de vaine pâture. La bergerie devenait alors un point d’ancrage pour le berger, souvent isolé plusieurs jours ou semaines avec son troupeau.

A Albas chaque famille disposait de quelques bêtes, le berger passait le matin faire le tour des habitations, récupérait les moutons pour les faire pâturer autour du village, il les ramenait ensuite le soir.

À l’intérieur du bâtiment, le confort était sommaire : quelques niches dans la pierre, une cheminée, un banc. Mais ces lieux étaient chargés de vie. Ils incarnaient une forme de liberté rustique, en lien étroit avec les rythmes de la nature.

Déclin et renouveau

Avec l’exode rural, l’industrialisation de l’agriculture et l’abandon progressif du pastoralisme traditionnel, de nombreuses bergeries ont été laissées à l’abandon. En friche, envahies par la végétation ou effondrées, elles sont devenues des ruines poétiques, éléments silencieux du paysage.

Cependant, depuis quelques décennies, un regain d’intérêt se manifeste. Des éleveurs renouent avec des pratiques durables, des associations restaurent ces constructions emblématiques, et les randonneurs découvrent leur charme brut au détour d’un sentier. Certaines bergeries sont même réhabilitées en refuges de randonnée, en gîtes rustiques ou en lieux de médiation culturelle et patrimoniale.

Un patrimoine à préserver

Les bergeries des Corbières ne sont pas que des pierres empilées : elles sont la mémoire d’un territoire rural, la trace d’un rapport équilibré entre l’homme et son environnement. Elles rappellent l’importance d’une économie pastorale respectueuse, d’un mode de vie résilient face aux aléas climatiques et économiques.

Préserver ces bâtisses, c’est donc aussi transmettre aux générations futures l’essence d’un paysage culturel vivant, façonné par le vent, le temps et la main de l’homme.